(XXXII)
Vingt-huitième journée
C'était le jour d'un mariage, et le tour de Cupidon et de Rosette
à être unis par les noeuds de l'hymen, et, par une
singularité encore fatale tous, deux se trouvaient dans le cas
d'être corrigés le soir. Comme personne ne se trouva en faute ce
matin-là, on employa toute cette partie du jour à la
cérémonie des noces, et dès qu'elle fut faite, on les
réunit au salon pour voir ce qu'ils feraient ensemble. Comme les
mystères de Vénus se célébraient souvent aux yeux
de ces enfants, quoique aucun n'y eut encore servi, ils avaient une
théorie suffisante à leur faire exécuter sur ces objets
à peu près ce qu'il y avait à faire. Cupidon, qui bandait
fort roide, plaça donc sa petite cheville entre les cuisses de Rosette,
qui se laissait faire avec toute la candeur de l'innocence la plus
entière; le jeune garçon s'y prenait si bien qu'il allait
vraisemblablement réussir, quand l'évêque, le saisissant
entre ses bras, se fit mettre à lui-même ce que l'enfant aurait,
je crois, bien mieux aimé mettre à sa petite femme. Tout en
perforant le large cul de l'évêque, il la regardait avec des yeux
qui prouvaient ses regrets, mais elle fut elle-même bientôt
occupée, et le duc la foutit en cuisses. Curval vint manier lubriquement
le cul du petit fouteur de l'évêque, et comme ce joli petit cul se
trouva, suivant l'ordre, dans l'état désiré, il le
lécha et bandailla. Pour Durcet, il en faisait autant à là
petite fille que le duc tenait par-devant. Cependant personne ne
déchargea, et l'on fut se mettre à table; les deux jeunes
époux, qui y avaient été admis, furent servir le
café avec Augustine et Zélamir. Et la voluptueuse Augustine,
toute confuse de n'avoir pas remporté, la veille, le prix de
beauté, avait comme en boudant laissé régner dans sa
coiffure un désordre qui la rendait mille fois plus intéressante.
Curval s'en émut, et lui examinant les fesses: "Je ne conçois
pas, dit-il, comment cette petite friponne n'a pas gagné la palme hier,
car le diable m'emporte s'il existe au monde un plus beau cul que
celui-là!" En même temps, il l'entrouvrit, et demanda à
Augustine si elle était prête à le satisfaire. "Oh oui,
dit-elle, et complètement, car je n'en puis plus de besoin." Curval la
couche sur un sofa, et s'agenouillant devant le beau derrière, en un
instant il en a dévoré l'étron. "Sacré nom d'un
Dieu, dit-il en se tournant vers ses amis et leur montrant son vit collé
contre son ventre, me voilà dans un état où
j'entreprendrais furieusement de choses. -Et quoi? lui dit le duc, qui aimait
à lui faire dire des horreurs quand il était dans cet
état-là. -Quoi? répondit Curval: telle infamie que l'on
voudra me proposer, dût-elle démembrer la nature et disloquer
l'univers. -Viens, viens, dit Durcet qui le voyait lancer des regards furieux
sur Augustine, viens, allons écouter Duclos, il en est temps; car je
suis persuadé que si on te lâchait la bride sur le col à
présent, voilà une pauvre poulette qui passerait un mauvais quart
d'heure. -Oh! oui, dit Curval en feu, un très mauvais: c'est de quoi je
puis fermement répondre. -Curval, dit le duc, qui bandait aussi
furieusement. en venant de faire chier Rosette, que l'on nous abandonne
à présent le sérail, et dans deux heures d'ici nous en
rendrons bon compte."
L'évêque et Durcet, plus calmes pour ce moment-ci, les prirent
chacun par un bras, et ce fut dans cet état, c'est-à-dire la
culotte basse et le vit en l'air, que ces libertins se
présentèrent devant l'assemblée déjà
réunie au salon d'histoire, et prête à écouter les
nouveaux récits de Duclos qui, ayant prévu, à
l'état de ces deux messieurs, qu'elle serait bientôt interrompue,
commença toujours dans ces termes:
"Un seigneur de la cour, homme d'environ trente-cinq ans, venait de me faire
demander, dit Duclos, une des plus jolies filles qu'il me pût possible de
trouver. Il ne m'avait point prévenu de sa manie, et, pour le
satisfaire, je lui donnai une jeune ouvrière en modes qui n'avait jamais
fait de parties, et qui était sans contredit une des plus belles
créatures qu'il fût possible de trouver. Je les mets aux prises,
et, curieuse d'observer ce qui va se passer, je vais bien vite me camper
à mon trou. "Où diable Mme Duclos, débuta-t-il par dire,
a-t-elle été chercher une vilaine garce comme vous? Dans la boue
sans doute!... Vous étiez à raccrocher quelques soldats aux
gardes quand on est venu vous chercher." Et la jeune personne, honteuse, et qui
n'était prévenue de rien, ne savait quelle contenance tenir.
"Allons! déshabillez-vous donc, continua le courtisan... Que vous
êtes gauche!... Je n'ai de mes jours vu une putain et plus laide et plus
bête... Eh bien! allons donc, finirons-nous aujourd'hui?... Ah!
voilà donc ce corps que l'on avait tant vanté? Quels
tétons... On les prendrait pour les pis d'une vieille vache!" Et il les
maniait brutalement. "Et ce ventre! comme il est ridé!... Vous avez donc
fait vingt enfants? -Pas un seul, monsieur, je vous assure. -Oh! oui, pas un
seul: voilà comme elles parlent toutes, ces garces-là; à
les entendre, elles sont toujours pucelles... Allons, tournez-vous!
L'infâme cul... quelles fesses flasques et dégoûtantes...
C'est à force de coups de pieds au cul, sans doute, qu'on vous a
arrangé le derrière ainsi!" Et vous observerez, s'il vous
plaît, messieurs, que c'était le plus beau derrière qu'il
fût possible de voir. Cependant, la jeune fille commençait
à se troubler; je distinguais presque les palpitations de son petit
coeur, et je voyais ses beaux yeux se couvrir d'un nuage. Et plus elle
paraissait se troubler, plus le maudit fripon la mortifiait. Il me serait
impossible de vous dire toutes les sottises qu'il lui adressa; on n'oserait pas
en dire de plus piquantes à la plus vile et à la plus
infâme des créatures. Enfin le coeur bondit et les larmes
partirent: c'était pour cet instant que le libertin, qui se polluait de
toutes ses forces, avait réservé le bouquet de ses litanies. Il
est impossible de vous rendre toutes les horreurs qu'il lui adressa sur sa
peau, sur sa taille, sur ses traits, sur l'odeur infecte qu'il
prétendait qu'elle exhalait, sur sa tenue, sur son esprit: en un mot, il
chercha tout, il inventa tout pour désespérer son orgueil, et
déchargea sur elle, en vomissant des atrocités qu'un portefaix
n'oserait prononcer. Il résulta de cette scène quelque chose de
fort plaisant: c'est qu'elle valut un sermon à cette jeune fille; elle
jura qu'elle ne s'exposerait de sa vie à pareille aventure, et j'appris,
huit jours après, qu'elle était dans un couvent pour le reste de
ses jours. Je le dis au jeune homme, qui s'en amusa prodigieusement, et qui me
demanda dans la suite quelque nouvelle conversion à faire.
"Un autre, poursuivit Duclos, m'ordonnait de lui chercher des filles
extrêmement sensibles, et qui fussent dans l'attente d'une nouvelle dont
la mauvaise tournure pût leur causer une révolution de chagrin des
plus fortes. Ce genre me donnait à trouver beaucoup de peine, parce
qu'il étai difficile d'en imposer là. Notre homme était
connaisseur, depuis le temps qu'il jouait au même jeu, et d'un coup
d'oeil il voyait si le coup qu'il portait frappait juste. Je ne le trompais
donc point, et donnais toujours des jeunes filles positivement dans la
disposition d'esprit qu'il désirait. Un jour, je lui en voir une qui
attendait de Dijon des nouvelles d'un jeune homme qu'elle idolâtrait et
que l'on nommait Valcourt. Je les mets aux prises. "D'où
êtes-vous, mademoiselle lui demande honnêtement notre libertin. -De
Dijon, monsieur. -De Dijon? Ah! morbleu, voilà une lettre que j'en
reçois à l'instant où l'on vient de m'apprendre une
nouvelle qui me désole. -Et qu'est-ce que c'est? demande avec
intérêt la jeune fille; comme je connais toute la ville, cette
nouvelle pourra peut-être m'intéresser. -Oh! non, reprend notre
homme, elle n'intéresse que moi; c'est la nouvelle de la mort d'un jeune
homme auquel je prenais le plus vif intérêt. Il venait
d'épouser une fille que mon frère, qui est à Dijon, lui
avait procurée, une fille dont il était très épris,
et le lendemain des noces il est mort subitement. -Son nom, monsieur, s'il vous
plaît -Il se nommait Valcourt; il était de Paris, à telle
rue, à telle maison... Oh! vous ne connaissez sûrement pas cela."
Et dans l'instant la jeune fille tombe à la renverse et
s'évanouit. "Ah! foutre, dit alors notre libertin transporté, en
déboutonnant sa culotte et se branlant sur elle, ah! sacredieu,
voilà où je la voulais! Allons des fesses, des fesses! il ne me
faut que des fesses pour décharger." Et, la retournant et la troussant,
tout immobile qu'elle est, il lui lâche sept ou huit jets de foutre sur
le derrière, et se sauve, sans s'inquiéter ni des suites de ce
qu'il a dit, ni de ce que la malheureuse deviendra."
"Et en creva-t-elle? dit Curval que l'on foutait à tour de reins. -Non,
dit Duclos, mais elle en fit une maladie qui lui a duré plus de dix
semaines. -Oh! la bonne chose, dit le duc. Mais moi, poursuivit ce
scélérat, je voudrais que notre homme eût choisi le temps
de ses règles pour lui apprendre cela. -Oui, dit Curval; dites mieux,
monsieur le duc: vous bandez, je vous vois d'ici, et vous voudriez tout
simplement qu'elle en fût morte sur la place. -Eh bien, à la bonne
heure! dit le duc. Puisque vous le voulez comme cela, j'y consens; moi, je ne
suis pas très scrupuleux sur la mort d'une fille. -Durcet, dit
l'évêque, si tu n'envoies pas décharger ces deux
coquins-là, il y aura du tapage ce soir. -Ah! parbleu, dit Curval
à l'évêque, vous craignez bien votre troupeau! Deux ou
trois de plus ou de moins qu'est-ce que ça ferait? Allons, monsieur le
duc, allons dans le boudoir, et allons-y ensemble, et en compagnie, car je vois
bien que ces messieurs ne veulent pas ce soir qu'on les scandalise."
Aussitôt dit aussitôt fait; et nos deux libertins se font suivre de
Zelmire, d'Augustine, de Sophie, de Colombe, de Cupidon, de Narcisse, de
Zélamir et d'Adonis, escortés de Brise-cul, de Bande-au-ciel, de
Thérèse, de Fanchon, de Constance et de Julie. Au bout d'un
instant, on entendit deux ou trois cris de femmes, et les hurlements de nos
deux scélérats qui dégorgeaient leur foutre ensemble.
Augustine revint, ayant son mouchoir sur son nez, dont elle saignait, et
Adélaïde un mouchoir sur le sein. Pour Julie, toujours assez
libertine et assez adroite pour se tirer de tout danger, elle riait comme une
folle, et disait que sans elle ils n'auraient jamais déchargé. La
troupe revint; Zélamir et Adonis avaient encore les fesses pleines de
foutre; et ayant assuré leurs amis qu'ils s'étaient conduits avec
toute la décence et la pudeur possible, afin qu'on n'eût nul
reproche à leur faire, et que maintenant, parfaitement calmes, ils
étaient en état d'écouter, on ordonna à Duclos de
continuer et elle le fit en ces termes:
"Je suis fâchée, dit cette belle fille, que M. de Curval se soit
tant pressé de soulager ses besoins, car j'avais deux histoires de
femmes grosses à lui conter qui lui auraient peut-être fait
quelque plaisir. Je connais son goût pour ces sortes de femmes, et je
suis sûre que s'il avait encore quelque velléité, ces deux
contes-là le divertiraient. -Conte, conte toujours, dit Curval; ne
sais-tu pas bien que le foutre n'a jamais rien fait sur mes sentiments, et que
l'instant où je suis le plus amoureux du mal est toujours celui
où je viens d'en faire?"
"Eh bien, dit Duclos, j'ai vu un homme dont la manie était de voir
accoucher une femme. Il se branlait en la voyant dans les douleurs, et
déchargeait sur la tête de l'enfant dès qu'il pouvait
l'apercevoir.
"Un second campait une femme grosse de sept mois sur un piédestal
isolé, à plus de quinze pieds de hauteur. Elle était
obligée de s'y tenir droite et sans perdre la tête, car si
malheureusement elle lui eût tourné, elle et son fruit
étaient à jamais écrasés. Le libertin dont je vous
parle, très peu touché de la situation de cette malheureuse,
qu'il payait pour cela, l'y retenait jusqu'à ce qu'il eût
déchargé, et il se branlait devant elle en s'écriant: "Ah!
la belle statue, le bel ornement, la belle impératrice!"
"Tu aurais secoué la colonne, toi, n'est-ce pas, Curval? dit le duc.
-Oh! point du tout, vous vous trompez; je connais trop le respect qu'on doit
à la nature et à ses ouvrages. Le plus intéressant de tous
n'est-il pas la propagation de notre espèce? N'est-ce pas une
espèce de miracle que nous devons sans cesse adorer, et qui doit nous
donner pour celles qui le font le plus tendre intérêt? Pour moi,
je ne vois jamais une femme grosse sans être attendri: imaginez-vous donc
ce que c'est qu'une femme qui, comme un four, fait éclore un peu de
morve au fond de son vagin! Il y a-t-il rien de si beau, rien de si tendre que
cela? Constance, venez je vous en prie, venez que je baise en vous l'autel
où s'opère à présent un si profond mystère."
Et comme elle se trouvait positivement dans sa niche, il n'eut pas loin
à aller chercher le temple qu'il voulait desservir. Mais il y a lieu de
croire que ce ne fut pas absolument comme l'entendait Constance, qui pourtant
ne s'y fiait qu'à demi, car on lui entendit sur-le-champ jeter un cri
qui ne ressemblait nullement à la suite d'un culte ou d'un hommage. Et
Duclos, voyant que le silence avait succédé, termina ses
récits par le conte suivant:
"J'ai connu, dit cette belle fille, un homme dont la passion consistait
à entendre les enfants pousser de grands cris. Il lui fallait une
mère qui eût un enfant de trois ou quatre ans au plus; il exigeait
que cette mère battît rudement cet enfant devant lui, et quand la
petite créature, irritée par ce traitement, commençait
à pousser de grands cris, il fallait que la mère s'emparât
du vit du paillard et le branlât fortement vis-à-vis de l'enfant,
au nez duquel il déchargeait, dès qu'il le voyait bien en
pleurs."
"Je gage, dit l'évêque à Curval, que cet homme-là
n'aimait pas la propagation plus que toi. -Je le croirai, dit Curval. Ce devait
être d'ailleurs suivant le principe d'une dame de beaucoup d'esprit,
à ce qu'on dit, ce devait être, dis-je, un grand
scélérat, car tout homme, suivant elle, qui n'aime ni les
bêtes, ni les enfants, ni les femmes grosses, est un monstre à
rouer. Voilà mon procès tout fait au tribunal de cette vieille
commère, dit Curval, car je n'aime assurément aucune de ces trois
choses." Et, comme il était tard et que l'interruption avait pris une
forte portion de la soirée, on fut se mettre à table. On agita au
souper les questions suivantes, savoir: à quoi servait la
sensibilité dans l'homme, et si elle était utile à son
bonheur ou non. Curval prouva qu'elle n'était que dangereuse, et que
c'était le premier sentiment qu'il fallait émousser dans les
enfants, en les accoutumant de bonne heure aux spectacles les plus
féroces. Et chacun ayant agité différemment la question,
on en revint à l'avis de Curval. Après souper, le duc et lui
diront qu'il fallait envoyer coucher les femmes et les petits garçons et
faire les orgies tout en hommes. Tout le monde consentit à ce projet, on
s'enferma avec les huit fouteurs, et on passa presque toute la nuit à se
faire foutre et à boire des liqueurs. On fut se mettre au lit à
deux heures, à la pointe du jour, et le lendemain ramena, et les
événements et les récits que le lecteur trouvera, s'il
prend la peine de lire ce qui suit.