(XXV)
Vingt et unième journée
On s'occupa dès le matin de cette cérémonie, suivant
l'usage accoutumé, mais, je ne sais si c'était fait exprès
ou non, mais la jeune épouse se trouva coupable dès le matin:
Durcet assura qu'il avait trouvé de la merde dans son pot de chambre.
Elle s'en défendit, elle dit que, pour la faire punir, c'était la
vieille qui était venue faire cela, et qu'on leur faisait souvent de ces
tromperies-là quand on avait envie de les punir: elle eut beau dire,
elle ne fut pas écoutée, et comme son petit mari était
déjà sur la liste, on s'amusa beaucoup du plaisir de les corriger
tous deux. Cependant les jeunes époux furent conduits en pompe,
après la messe, au grand salon de compagnie où la
cérémonie devait se compléter avant l'heure du repas. Ils
étaient tous deux du même âge, et l'on livra la jeune fille
nue à son mari, en permettant à celui-ci d'en faire tout ce qu'il
voudrait. Rien ne parle comme l'exemple; il était impossible d'en
recevoir de plus mauvais et de plus contagieux. Le jeune homme saute donc comme
un trait sur sa petite femme, et comme il bandait fort dur, quoiqu'il ne
déchargeât point encore, il l'aurait inévitablement
enfilée; mais quelque légère qu'eût
été la brèche, messieurs mettaient toute leur gloire
à ce que rien n'altérât ces tendres fleurs qu'ils voulaient
cueillir seuls. Moyen en quoi l'évêque, arrêtant
l'enthousiasme du jeune homme, profita lui-même de l'érection et
se fit mettre dans le cul l'engin très joli et déjà
très formé dont Zélamir allait enfiler sa jeune
moitié. Quelle différence pour ce jeune homme! et quelle distance
entre le cul fort large du vieil évêque et le jeune con
étroit d'une petite vierge de treize ans! Mais on avait affaire à
des gens avec lesquels il n'y avait pas à raisonner. Curval s'empara de
Colombe et la foutit en cuisses par-devant, en lui léchant les yeux, la
bouche, les narines et la totalité du visage. Sans doute, on lui rendit
pendant ce temps-là quelques services, car il déchargea, et
Curval n'était pas homme à perdre son foutre pour des niaiseries
semblables. On dîna; les deux époux furent admis au café
comme ils l'avaient été au repas, et ce café fut servi ce
jour-là par l'élite des sujets, je veux dire par Augustine,
Zelmire, Adonis et Zéphire. Curval, qui voulait rebander, voulut de la
merde absolument, et Augustine lui lâcha le plus bel étron qu'on
pût faire. Le duc se fit sucer par Zelmire, Durcet par Colombe et
l'évêque par Adonis. Ce dernier chia dans la bouche de Durcet,
quand il eut expédié l'évêque. Mais point de foutre;
il devenait rare: on ne s'était point ménagé dans les
commencements, et comme l'on sentait l'extrême besoin que l'on en aurait
vers la fin, on se ménageait. On passa au salon d'histoire, où la
belle Duclos, invitée à montrer son derrière avant que
commencer, après l'avoir libertinement exposé aux yeux de
l'assemblée, reprit ainsi le fil de son discours:
"Encore un trait de mon caractère, messieurs, dit cette belle fille,
après lequel, vous l'ayant assez fait connaître, vous voudrez bien
juger ce que je vous cacherai sur ce que je vous aurai dit, et me dispenser de
vous entretenir davantage de moi. La mère de Lucile venait de tomber
dans une misère effroyable, et c'était par le plus grand hasard
du monde que cette charmante fille, qui n'avait point eu de ses nouvelles
depuis qu'elle s'était sauvée de chez elle, apprit sa malheureuse
détresse. Une de nos marcheuses, aux aguets d'une jeune fille qu'une de
mes pratiques me demandait dans le même goût de celle que m'avait
demandée le marquis de Mesanges, c'est-à-dire acheter pour n'en
jamais entendre parler, une de nos marcheuses, dis-je, vint me rapporter, comme
j'étais au lit avec Lucile, qu'elle avait trouvé une petite fille
de quinze ans, très sûrement pucelle, extrêmement jolie, et
ressemblant, disait-elle, comme deux gouttes d'eau à mademoiselle
Lucile, mais qu'elle était dans un tel état de misère,
qu'il faudrait la garder quelques jours pour l'empâter avant de la
vendre. Et alors elle fit description de la vieille femme avec qui elle l'avait
trouvée, et de l'état d'indigence effroyable dans laquelle
était cette mère. A ces traits, au détail de l'âge
et de la figure, à tout ce qui concernait l'enfant, Lucile eut un
pressentiment secret que ce pouvait bien être là sa mère et
sa soeur: elle savait qu'elle avait laissé celle-ci en bas âge
avec sa mère, lors de sa fugue, et elle me demanda permission d'aller
vérifier ses doutes. Mon infernal esprit me suggéra ici une
petite horreur dont l'effet embrasa si promptement mon physique que, faisant
aussitôt sortir notre marcheuse, et ne pouvant calmer l'embrasement de
mes sens, je commençai par prier Lucile de me branler. Ensuite,
m'arrêtant au milieu de l'opération: "Que veux-tu aller faire chez
cette vieille femme, lu dis-je, et quel est ton dessein? -Eh! mais, dit Lucile,
qui n'avait pas encore mon coeur, il s'en fallait... la soulager, si je puis,
et principalement si c'est ma mère. -Imbécile, lui dis-je en la
repoussant, va, va sacrifier seule à tes indignes préjugés
populaires, et perds, en n'osant les braver, la plus belle occasion d'irriter
tes sens par une horreur qui te fera décharger dix ans!" Lucile
étonnée me regarda, et je vis bien alors qu'il fallait lui
expliquer une philosophie qu'elle était loin d'entendre. Je le fis, je
lui fis comprendre combien sont vils les liens qui nous enchaînent aux
auteurs de nos jours; je lui démontrai qu'une mère, pour nous
avoir porté dans son sein, au lieu de mériter de nous quelque
reconnaissance, ne méritait que de la haine, puisque, pour son seul
plaisir, et au risque de nous exposer à tous les malheurs qui pouvaient
nous atteindre dans le monde, elle nous avait cependant mis au jour dans la
seule intention de satisfaire sa brutale lubricité. J'ajoutai à
cela tout ce qu'on pouvait dire pour étayer ce système que le bon
sens dicte, et que le coeur conseille quand il n'est pas absorbé par les
préjugés de l'enfance. "Et que t'importe, ajoutai-je, que cette
créature-là soit heureuse ou infortunée? Eprouves-tu
quelque chose de sa situation? Ecarte ces vils liens dont je viens de te
démontrer l'absurdité, et isolant alors entièrement cette
créature, la séparant tout à fait de toi, tu verras que
non seulement son infortune doit t'être indifférente, mais qu'il
peut même devenir très voluptueux de la redoubler. Car enfin tu
lui dois de la haine, cela est démontré, et tu te venges; tu fais
ce que les sots appellent une mauvaise action, et tu sais l'empire que le crime
eut toujours sur les sens. Voici donc deux motifs de plaisir dans les outrages
que je veux que tu lui fasses: et les délices de la vengeance, et ceux
qu'on goûte toujours à faire le mal." Soit que je misse avec
Lucile plus d'éloquence que je n'en emploie ici pour vous rendre le
fait, soit que son esprit, déjà très libertin et
très corrompu, avertît sur-le-champ son coeur de la volupté
de mes principes, mais elle les goûta, et je vis ses belles joues se
colorer de cette flamme libertine qui ne manque jamais de paraître chaque
fois qu'on brise un frein. "Eh bien! me dit-elle, que faut-il faire? -Nous en
amuser, lui dis-je, et en tirer de l'argent. Quant au plaisir, il est
sûr, si tu adoptes mes principes; quant à l'argent, il l'est de
même, puisque je peux faire servir, et ta vieille mère, et ta
soeur, à deux différentes parties qui nous deviendront
très lucratives." Lucile accepte, je la branle pour l'exciter encore
mieux au crime, et nous ne nous occupons plus que des arrangements.
Occupons-nous d'abord de vous détailler le premier plan, puisqu'il fait
nombre dans la classe des goûts que j'ai à vous conter, quoique je
le dérange un peu de sa place pour suivre l'ordre des
événements, et quand vous serez instruits de cette
première branche de mes projets, je vous éclairerai sur la
seconde.
"Il y avait un homme, dans le monde, fort riche, fort en crédit et d'un
dérèglement d'esprit qui passe tout ce qu'on peut dire. Comme je
ne le connaissais que sous le titre de comte, vous trouverez bon, quelque
instruite que je puisse être de son nom, que je ne vous le désigne
que par ce seul titre. Le comte était dans toute la force des passions,
âgé au plus de trente-cinq ans, sans foi, sans loi, sans dieu,
sans religion, et doué surtout, comme vous, messieurs, d'une invincible
horreur pour ce qu'on appelle le sentiment de la charité; il disait
qu'il était plus fort que lui de le comprendre, et qu'il n'admettait pas
qu'on pût imaginer d'outrager la nature au point de déranger
l'ordre qu'elle avait mis dans les différentes classes de ses individus,
en en élevant un par des secours à la place de l'autre, et en
employant ces secours absurdes et révoltants des sommes bien plus
agréablement employées à ses plaisirs.
Pénétré de ces sentiments, il ne s'en tenait pas
là; non seulement il trouvait une jouissance réelle dans le refus
du secours, mais il améliorait même cette jouissance par des
outrages à l'infortune. Une de ses voluptés, par exemple,
était de se faire chercher avec soin de ces asiles
ténébreux, où l'indigence affamée mange comme elle
peut un pain arrosé de ses larmes et dû à ses travaux. Il
bandait à aller non seulement jouir de l'amertume de tels pleurs mais
même... mais même à en redoubler la source et arracher, s'il
le pouvait, ce malheureux soutien des jours de ces infortunés. Et ce
goût, ce n'était pas une fantaisie, c'était une fureur, il
n'avait pas, disait-il, de délices plus vives, et rien ne pouvait
irriter, enflammer son âme, comme cet excès-là. Ce
n'était point, m'assurait-il un jour, le fruit de la dépravation:
il avait dès l'enfance cette extraordinaire manie, et son coeur,
perpétuellement endurci aux accents plaintifs du malheur, n'avait jamais
conçu de sentiments plus doux. Comme il est essentiel que vous
connaissiez le sujet, il faut que vous sachiez d'abord que le même homme
avait trois passions différentes: celle que je vais vous conter, une que
vous expliquera la Martaine, en vous le rappelant par son titre, et une plus
atroce encore que la Desgranges vous réservera sans doute pour la fin de
ses récits, comme une des plus fortes qu'elle ait sans doute à
vous raconter. Mais commençons par ce qui me regarde. Aussitôt que
j'eus prévenu le comte de l'asile infortuné que je lui avais
découvert, et des attenances qu'il avait, il fut transporté de
joie. Mais comme des affaires de la plus grande importance pour sa fortune et
son avancement, qu'il négligeait d'autant moins qu'il y voyait une sorte
d'étai à ses écarts, comme, dis-je, ses affaires allaient
l'occuper près de quinze jours, et qu'il ne voulait pas manquer la
petite fille, il aima mieux perdre quelque chose au plaisir qu'il se promettait
à cette première scène, et s'assurer la seconde. En
conséquence, il m'ordonna de faire à l'instant enlever l'enfant
à tel prix que ce fût, et de la faire remettre à l'adresse
qu'il m'indiqua. Et pour ne pas vous tenir plus longtemps en suspens,
messieurs, cette adresse était celle de la Desgranges, qui le
fournissait dans ces troisièmes parties secrètes. Ensuite, nous
prîmes jour. Jusque-là, nous fûmes trouver la mère de
Lucile, tant pour préparer la reconnaissance avec sa fille que pour
aviser au moyen d'enlever sa soeur. Lucile, bien instruite, ne reconnut sa
mère que pour l'insulter, lui dire qu'elle était cause de ce
qu'elle s'était jetée dans le libertinage, et mille autres propos
semblables qui déchiraient le coeur de cette pauvre femme et troublaient
tout le plaisir qu'elle avait a retrouver sa fille. Je crus, dans ce
début, trouver nos textes, et je représentai à la
mère qu'ayant retiré sa fille aînée du libertinage,
je m'offrais d'en retirer la seconde. Mais le moyen ne réussit pas; la
malheureuse pleura et dit que pour rien au monde on ne lui arracherait le seul
secours qu'il lui restait dans sa seconde fille; qu'elle était vieille,
infirme, qu'elle recevait des soins de cet enfant, et que l'en priver serait
lui arracher la vie. Ici, je l'avoue à ma honte, messieurs, mais je
sentis un petit mouvement au fond de mon coeur qui me fit connaître que
ma volupté allait croître du raffinement d'horreur que j'allais,
dans ce cas, mettre à mon crime, et ayant prévenu la vieille que,
dans peu de jours, sa fille viendrait lui rendre une seconde visite avec un
homme en crédit qui pourrait lui rendre de grands services, nous nous
retirâmes, et je ne m'occupai que d'employer mes cordes ordinaires pour
me rendre maîtresse de cette jeune fille. Je l'avais bien
examinée, elle en valait la peine: quinze ans, une jolie taille, une
très belle peau et de très jolis traits. Trois jours
après, elle arriva, et après l'avoir examinée sur toutes
les parties de son corps et n'y avoir rien trouvé que de charmant, que
de très potelé et de très frais, malgré la mauvaise
nourriture où elle était condamnée depuis si longtemps, je
la fis passer à Mme Desgranges, avec qui j'avais cette fois commerce
pour la première fois de ma vie. Notre homme revint enfin de ses
affaires; Lucile le conduisit chez sa mère, et c'est ici où
commence la scène que j'ai à vous peindre. On trouva la vieille
mère au lit, sans feu, quoique au milieu d'un hiver très froid,
ayant près de son lit un vase de bois dans lequel était un peu de
lait où le comte pissa dès en entrant. Pour empêcher toute
espèce de train et être bien maître du réduit, le
comte avait mis deux grands coquins à ses gages dans l'escalier, qui
devaient fortement s'opposer à toute montée ou descente hors de
propos. "Vieille bougresse, lui dit le comte, nous venons ici avec ta fille que
voilà, et qui, par ma foi, est une très jolie putain; nous
venons, vieille sorcière, pour soulager tes maux, mais il faut nous les
peindre. Allons, dit-il en s'asseyant et commençant à palper les
fesses de Lucile, allons détaille-nous tes souffrances. -Hélas!
dit la bonne femme, vous venez avec cette coquine plutôt pour les
insulter que pour les soulager. -Coquine! dit le comte, tu oses insulter ta
fille? Allons, dit-il en se levant et arrachant la vieille de son grabat, hors
du lit tout à l'heure, et demande-lui excuse à genoux de
l'insulte que tu viens de lui faire." Il n'y avait pas moyen de
résister. "Et vous, Lucile, troussez-vous, faites baiser vos fesses
à votre mère, que je m'assure bien qu'elle va les baiser, et que
la réconciliation se rétablisse." L'insolente Lucile frotte son
cul sur le vieux visage de sa pauvre mère, en l'accablant de sottises.
Le comte permit à la vieille de se recoucher, et il rentama la
conversation: "Je vous dis, encore un coup, continua-t-il, que si vous me
contez toutes vos doléances, je les soulagerai." Les malheureux croient
tout ce qu'on leur dit, ils aiment à se plaindre; la vieille dit tout ce
qu'elle souffrait, et se plaignit surtout amèrement du vol qu'on lui
avait fait de sa fille, accusant vivement Lucile de savoir où elle
était, puisque la dame avec laquelle elle était venue la voir, il
y avait peu de temps, lui avait proposé d'en prendre soin, et elle
calculait de là, avec assez de raison, que c'était cette dame qui
l'avait enlevée. Cependant, le comte, en face du cul de Lucile, dont il
avait fait quitter les jupes, baisant de temps à autre ce beau cul et se
branlant lui-même, écoutait, interrogeait, demandait des
détails, et réglait toutes les titillations de sa perfide
volupté sur les réponses qu'on lui faisait. Mais quand la vieille
dit que l'absence de sa fille, qui par son travail lui procurait de quoi vivre,
allait la conduire insensiblement au tombeau, puisqu'elle manquait de tout et
n'avait vécu depuis quatre jours que de ce peu de lait qu'on venait de
lui gâter: "Eh bien! garce, dit-il en dirigeant son foutre sur la vieille
et en continuant de serrer fortement les fesses de Lucile, eh bien! putain, tu
crèveras, le malheur ne sera pas grand." Et en achevant de lâcher
son sperme: "Je n'y aurai, si cela arrive, qu'un seul et unique regret, c'est
de ne pas moi-même en hâter l'instant." Mais tout n'était
pas dit, le comte n'était pas un homme à s'apaiser pour une
décharge. Lucile, qui avait son rôle, s'occupa, dès qu'il
eut fait, à empêcher que la vieille ne vît ses manoeuvres,
et le comte, furetant partout, s'empara d'un gobelet d'argent, unique reste du
petit bien-être qu'avait eu autrefois cette malheureuse, et le mit dans
sa poche. Ce redoublement d'outrage l'ayant fait rebander, il tira la vieille
du lit, la mit nue, et ordonna à Lucile de le branler sur le corps
flétri de cette vieille matrone. Il fallut bien encore se laisser faire,
et le scélérat darda son foutre sur cette vieille chair, en
redoublant ses injures et en disant à cette pauvre malheureuse qu'elle
pouvait se tenir pour dit qu'il n'en resterait pas là, et qu'elle aurait
bientôt et de ses nouvelles et de celles de sa petite fille qu'il voulait
bien lui apprendre être entre ses mains. Il procéda à cette
dernière décharge avec des transports de lubricité
vivement allumés par ce que sa perfide imagination lui faisait
déjà concevoir d'horreurs sur toute cette malheureuse famille, et
il sortit. Mais pour n'avoir plus à revenir à cette affaire,
écoutez, Messieurs, jusqu'à quel point je comblai la mesure de ma
scélératesse. Le comte, voyant qu'il pouvait avoir confiance en
moi, m'instruisit de la seconde scène qu'il préparait à
cette vieille et à sa petite fille; il me dit qu'il fallait que je la
lui fisse enlever sur-le-champ, et que, de plus, comme il voulait réunir
toute la famille, je lui cédasse aussi Lucile dont le beau corps l'avait
vivement ému, et dont il ne me cachait pas qu'il projetait la perte,
ainsi que des deux autres. J'aimais Lucile, mais j'aimais encore mieux
l'argent; il me donnait un prix fou de ces trois créatures, je consentis
à tout. Quatre jours après, Lucile, sa petite soeur et la veille
mère furent réunies: ce sera à Mme Desgranges à
vous conter comment. Pour quant à moi, je reprends le fil de mes
récits interrompu par cette anecdote, qui n'aurait dû vous
être racontée qu'à la fin de mes récits, comme une
de mes plus fortes."
"Un moment, dit Durcet; je n'entends pas ces choses-là de sens froid;
elles ont un empire sur moi qui se peindrait difficilement. Je retiens mon
foutre depuis le milieu du récit, trouvez bon que je le perde." Et se
jetant dans son cabinet avec Michette, Zélamir, Cupidon, Fanny,
Thérèse et Adélaïde, on l'entendit hurler au bout de
quelques minutes, et Adélaïde rentra en pleurant et disant qu'elle
était bien malheureuse que l'on allât encore échauffer la
tête de son mari à des récits comme ceux-là, et que
c'était à celle qui les contait à être victime
elle-même. Pendant ce temps-là, le duc et l'évêque
n'avaient pas perdu leur temps, mais la manière dont ils avaient
opéré étant encore du nombre de celles que les
circonstances nous obligent de voiler, nous prions nos lecteurs de trouver bon
que nous tirions le rideau et que nous passions tout de suite aux quatre
récits qu'il restait à faire à Duclos pour terminer sa
vingt et unième soirée.
"Huit jours après le départ de Lucile, j'expédiai un
paillard doué d'une assez plaisante manie. Prévenue de plusieurs
jours à l'avance, j'avais laissé dans ma chaise percée
accumuler un grand nombre d'étrons, et j'avais prié quelqu'une de
mes demoiselles d'y en ajouter encore. Notre homme arrive,
déguisé en Savoyard; c'était le matin, il balaye ma
chambre, s'empare du pot de la chaise percée, monte aux lieux pour le
vider (article qui, par parenthèse, l'occupa fort longtemps); il
revient, me fait voir avec quel soin il l'a nettoyé et me demande son
payement. Mas prévenue du cérémonial, je tombe sur lui le
manche à balai à la main. "Ton payement, scélérat?
lui dis-je, tiens, le voilà ton payement!" Et je lui en assène au
moins une douzaine de coups. Il veut fuir, je le suis, et le libertin dont
c'était là l'instant décharge tout le long de l'escalier
en criant à tue-tête qu'on l'estropie, qu'on le tue, et qu'il est
chez une coquine, et non pas chez une honnête femme, comme il le
croyait.
"Un autre voulait que je lui insinuasse dans le canal de l'urètre un
petit bâton noué qu'il portait à ce dessein dans un
étui; il fallait secouer vivement le petit bâton qu'on
introduisait de trois pouces, et de l'autre main lui branler le vit à
tête décalottée; à l'instant de sa décharge,
on retirait le bâton, on se troussait par-devant et il déchargeait
sur la motte.
"Un abbé, que je vis six mois après, voulait que je lui
laissasse dégoutter de la cire de bougie brûlante sur le vit et
les couilles; il déchargeait de cette seule sensation et sans qu'on
fût obligé de le toucher; mais il ne bandait jamais, et pour que
son foutre partît, il fallait que tout fût enduit de cire et qu'on
n'y reconnût plus figure humaine.
"Un ami de ce dernier se faisait cribler le cul d'épingles d'or, et
quand son derrière, ainsi garni, ressemblait à une casserole bien
plus qu'à un fessier, il s'asseyait pour mieux sentir les piqûres;
on lui présentait les fesses très écartées, il se
branlait lui-même et déchargeait sur le trou du cul."
"Durcet, dit le duc, j'aimerais assez à voir ton beau cul grassouillet
tout couvert comme cela d'épingles d'or: je suis persuadé qu'il
serait on ne saurait plus intéressant. -Monsieur le duc, dit le
financier, vous savez qu'il y a quarante ans que je me fais gloire et honneur
de vous imiter; ayez la bonté de me donner l'exemple et je vous
réponds de le suivre. - Je renie Dieu, dit Curval, qu'on n'avait pas
encore entendu, comme l'histoire de Lucile m'a fait bander! Je me tenais coi,
mais je n'en pensais pas moins: tenez, dit-il, en faisant voir son vit
collé contre son ventre, voyez si je vous mens. J'ai une furieuse
impatience de savoir le dénouement de l'histoire de ces trois
bougresses-là; je me flatte qu'un même tombeau doit les
réunir. -Doucement, doucement, dit le duc, n'empiétons pas sur
les événements. Parce que vous bandez, monsieur le
président, vous voudriez qu'on vous parlât tout de suite de roue
et de potence; vous ressemblez beaucoup aux gens de votre robe, dont on
prétend que le vit dresse toujours, chaque fois qu'ils condamnent
à mort. -Laissons là l'état et la robe, dit Curval; le
fait est que je suis enchanté des procédés de Duclos, que
je la trouve une fille charmante, et que son histoire du comte m'a mis dans un
état affreux, dans un état où je crois que j'irais bien
volontiers sur le grand chemin arrêter et voler un coche. -Il faut mettre
ordre à cela, président, dit l'évêque, autrement
nous ne serions pas ici en sûreté, et le moins que tu puisses
faire serait de nous condamner tous à être pendus. -Non, pas vous,
mais je ne vous cache pas que je condamnerais de bon coeur ces demoiselles, et
principalement Mme la duchesse, que voilà là couchée comme
un veau sur mon canapé, et qui, parce qu'elle a un peu de foutre
modifié dans la matrice, s'imagine qu'on ne peut plus la toucher. -Oh!
dit Constance, ce n'est assurément pas avec vous que je compterais sur
mon état pour m'attirer un tel respect; on sait trop à quel point
vous détestez les femmes grosses. -Oh! prodigieusement, dit Curval,
c'est la vérité." Et il allait, dans son transport, commettre, je
crois, quelque sacrilège sur ce beau ventre, lorsque Duclos s'en empara.
"Venez, venez, dit-elle, monsieur le président, puisque c'est moi qui
ait fait le mal, je veux le réparer. Et ils passèrent ensemble
dans le boudoir du fond, suivis d'Augustine, d'Hébé, de Cupidon
et de Thérèse. On ne fut pas longtemps sans entendre brailler le
président, et malgré tous les soins de Duclos, la petite
Hébé revint tout en pleurs; il y avait même quelque chose
de plus que des larmes, mais nous n'osons pas encore dire ce que
c'était; les circonstances ne nous le permettent pas. Un peu de
patience, ami lecteur, et bientôt nous ne te cacherons plus rien. Curval,
rentré et grumelant encore entre ses dents, disant que toutes ces
lois-là faisaient qu'on ne pouvait pas décharger à son
aise, etc., on fut se mettre à table. Après le souper, on
s'enferma pour les corrections; elles étaient, ce soir-là, peu
nombreuses: il n'y avait en faute que Sophie, Colombe, Adélaïde et
Zélamir. Durcet, dont la tête, dès le commencement de la
soirée, s'était fortement échauffée contre
Adélaïde, ne la ménagea pas; Sophie, de qui l'on avait
surpris des larmes pendant le récit de l'histoire du comte, fut punie
pour son ancien délit et pour celui-là; et le petit ménage
du jour, Zélamir et Colombe, fut, dit-on, traité par le duc et
Curval avec un sévérité qui tenait un peu de la barbarie.
Le duc et Curval, singulièrement en train, dirent qu'ils ne voulaient
pas se coucher, et ayant fait apporter des liqueurs, ils passèrent la
nuit à boire avec les quatre historiennes et Julie, dont le libertinage
s'augmentant tous les jours, la faisait passer pour une créature fort
aimable et qui méritait d'être mise au rang des objets pour
lesquels on avait des égards. Tous les sept furent trouvés, le
lendemain, ivres morts par Durcet qui vint les visiter; on trouva la fille nue
entre le père et le mari, et dans une attitude qui ne prouvait ni la
vertu, ni même la décence dans le libertinage. Il paraissait
enfin, pour ne pas tenir le lecteur en suspens, qu'ils en avaient joui tous les
deux à la fois. Duclos, qui vraisemblablement avait servi de second,
était jonchée, morte ivre auprès d'eux, et le reste
était l'un sur l'autre, dans un autre coin, vis-à-vis le grand
feu qu'on avait eu soin d'entretenir toute la nuit.